Le 16 novembre dernier, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été arrêté à l’aéroport d’Alger et incarcéré dans une prison proche de la capitale. À 80 ans, cet intellectuel reconnu, auteur du Village de l’Allemand, souffre d’un cancer et se trouve aujourd’hui privé de toute communication avec l’extérieur. Officiellement accusé d’ »atteinte à la sûreté de l’État » et d’ »intelligence avec une puissance étrangère » (la France !), il est en réalité victime d’un régime algérien qui a durci sa répression contre les voix dissidentes. Sa détention s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre Alger et Paris, exacerbées par la position de la France sur le Sahara occidental qui appartiendrait au Maroc. Noëlle Lenoir, ancienne ministre des Affaires européennes de Jacques Chirac, explique les enjeux géopolitiques et moraux de cette incarcération.
Peu après l’arrestation de l’écrivain franco-algérien, un vaste comité de soutien s’est mobilisé, réunissant intellectuels, politiques et défenseurs des droits de l’homme. Parmi eux, Noëlle Lenoir, ancienne ministre et juriste de renom, joue un rôle central dans la défense de Boualem Sansal, alertant sur les dérives autoritaires du régime algérien et l’urgence de sa libération.
Noëlle Lenoir est une femme d’influence aux multiples casquettes. Juriste spécialisée en droit européen et anciennement ministre des Affaires européennes sous Jacques Chirac (2002-2004), elle a également siégé au Conseil constitutionnel et occupé des postes de premier plan dans la haute fonction publique. Son engagement pour la liberté d’expression et les droits fondamentaux ne date pas d’hier.
Fervente défenseuse de Boualem Sansal, elle a contribué à mobiliser le Parlement européen et l’Assemblée nationale française en faveur de sa libération. Convaincue que son incarcération est un symbole du recul des libertés en Algérie et du climat de tension entre Paris et Alger, elle milite activement pour que la pression diplomatique et médiatique ne faiblisse pas.
Dans cet entretien, Noëlle Lenoir revient sur les enjeux de cette affaire et sur les dynamiques plus larges qui pèsent sur les relations franco-algériennes.
Noëlle Lenoir : Il faut rappeler que Boualem Sansal a été un haut dignitaire de l’administration algérienne, ayant occupé le poste de directeur général de l’Industrie – un secteur stratégique pour un pays pétrolier et gazier comme l’Algérie. Il a connu une prise de conscience lors de la guerre civile des années 1990, qui lui a révélé le danger de l’islamisme. C’est à ce moment-là qu’il est devenu écrivain.
Issu d’une famille très éduquée, il écrit exclusivement en français, bien qu’il parle arabe. Son œuvre est particulièrement critique envers le régime algérien. Depuis la guerre civile, le FLN s’est rapproché des islamistes, formant une sorte de codirection du pays. Boualem Sansal est rapidement devenu une figure majeure en France, alertant sur les dangers de l’islamisation et le risque de basculement vers une guerre civile ou une restriction des libertés individuelles, telles que nous les concevons en Occident.
Ses écrits, notamment Le Village de l’Allemand, qui établit de manière suggestive un parallèle entre nazisme et islamisme, ont rencontré un grand succès. Mais cette notoriété l’a aussi exposé. Malgré tout, il continuait à vivre en Algérie, à Boumerdès, tout en faisant des séjours de plus en plus fréquents en France.
Le 16 novembre dernier, il a été arrêté à l’aéroport d’Alger, incarcéré dans une prison proche de la capitale. Il pensait qu’il effectuait son dernier voyage en Algérie, simplement pour récupérer des affaires et des documents. Mais les services de sécurité algériens, toujours très informés des mouvements de ceux qu’ils considèrent comme des opposants, l’ont appréhendé.
21News : Il avait pourtant voyagé sans encombre pendant des années. N’a-t-il jamais envisagé un tel scénario ? N’a-t-il pas flairé le piège ?
Noëlle Lenoir : Non, il n’avait jamais imaginé que cela puisse lui arriver, malgré plusieurs avertissements de proches qui lui conseillaient la prudence. Le déclencheur de son arrestation semble être le revirement de la diplomatie française sur le Sahara occidental.
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