Depuis trois jours, une « Dunkelflaute » (calme plat hivernal) frappe l’Europe. Il s’agit d’une période durant laquelle les éoliennes et les panneaux solaires produisent peu ou pas d’électricité. Cela a entraîné une flambée des prix de l’électricité sur les marchés boursiers comme EPEX. L’Allemagne, qui a fermé toutes ses centrales nucléaires en 2023, est particulièrement touchée.
Bien que les consommateurs belges ressentent également cette hausse des prix dans leurs factures, ce sont surtout les utilisateurs allemands qui doivent s’attendre à recevoir des factures jusqu’à huit fois plus élevées.
La production d’électricité éolienne est actuellement la plus basse en dix ans. Or, l’Allemagne dépend à 39 % de l’énergie renouvelable pour son électricité, avec un objectif d’atteindre 75 % d’ici 2030.
Une « dunkelflaute » (sécheresse énergétique) fatale au réseau allemand d’électricité
Sans soleil ni vent, l’électricité doit être importée d’ailleurs. En Allemagne, cela signifie le recours à des centrales fonctionnant avec des combustibles flexibles comme le gaz naturel ou des produits pétroliers, car les centrales à lignite et à charbon fonctionnent déjà à pleine capacité. Les centrales allemandes brûlent depuis plusieurs jours 700 MW de pétrole pour produire de l’électricité, tandis que les centrales à charbon tournent à pleine capacité.
L’Europe est confrontée à une pénurie d’électricité en raison de la part croissante des énergies renouvelables. « Il n’y a pas de vent en Europe centrale et du nord, ce qui entraîne une bataille pour l’électricité et accentue la rareté », a déclaré Jean-Paul Harreman, de Montel Analytics, sur le site de cet analyste énergétique.
Cette rareté crée des opportunités financières. Les fournisseurs d’électricité sans production propre doivent acheter sur le marché boursier de l’électricité, souvent via des contrats de type « day-ahead » (pour le lendemain). Si un fournisseur prévoit une pénurie pour le lendemain, il peut acheter à l’avance et commencer la production, par exemple en démarrant une centrale à gaz ou à fioul la veille au soir.
Les prix de l’électricité sont exprimés en euros par MWh consommé. Mercredi, pendant deux heures, le prix en Allemagne a atteint 800 euros par MWh (photo), notamment au moment où les gens rentrent chez eux après le travail, soit la plus haute valeur depuis la crise énergétique consécutive à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Les entreprises réagissent de manière créative. Avec des prix dépassant 600 euros par MWh, il devient rentable de démarrer des générateurs diesel, habituellement utilisés pour fournir de l’électricité de secours aux hôpitaux ou aux usines, mais qui peuvent également fournir de l’énergie en dehors des situations d’urgence. Ainsi, plusieurs spécialistes de l’énergie ont conseillé aux entreprises de faire fonctionner leurs générateurs au mazout entre 17h et 19h.
Cela est possible grâce aux prix en temps réel et aux compteurs numériques avec des contrats dynamiques. En Belgique, le prix de l’électricité était légèrement inférieur, à 304 euros par MWh, tandis qu’aux Pays-Bas il atteignait 458 euros/MWh. En France, grâce à la forte production nucléaire, le prix est resté à 144 euros par MWh. Cet hiver, l’électricité nucléaire française sera essentielle pour l’Europe si la « dunkelflaute » persiste ou se reproduit.
Globalement, la production allemande d’électricité à base de fioul reste modeste, avec une capacité de 0,7 GW. Les importations de l’étranger représentaient 14 GW, selon les données d’Entso-E. Cependant, il est frappant de constater que la production d’énergie éolienne n’atteignait que 0,5 GW, alors que l’Allemagne a fermé en 2023 ses dernières centrales nucléaires, qui fournissaient une capacité de production de 4 GW.
Lode Goukens
(Photo Belgaimage : le parc éolien de Rossau, dans la Saxe)