Pourquoi les entreprises sont-elles sommées de rendre des services (au fisc, notamment) alors que nos élus en exercice sont exemptés de tout résultat probant ? Il faut responsabiliser les membres des gouvernements afin qu’ils puissent retrouver la confiance des citoyens. Une carte blanche de Xavier Corman, entrepreneur dans la Fintech.
En 2024, la TVA, l’une des grandes inventions fiscales du XXe siècle selon Alternatives Économiques, célébrait ses 70 ans. Mise en place en Belgique depuis 1971, elle représente un pilier essentiel des finances publiques. Avec près de 40 milliards d’euros de recettes annuelles, elle constitue la deuxième source de revenus de l’État, juste après le précompte professionnel.
Mais derrière cette manne financière se cache une réalité méconnue : la collecte de la TVA repose entièrement sur les épaules des entreprises. Les 1,1 million d’entreprises belges assujetties à la TVA endossent non seulement le rôle de collecteurs d’impôts, mais également une responsabilité financière directe. Dès qu’une facture est émise, la TVA est due, indépendamment du paiement effectif par le client. Une charge qui peut fragiliser des entreprises déjà sous pression.
Pour renforcer ce système, le Ministère des Finances a décidé d’appliquer des mesures strictes à partir de ce 1er janvier 2025 : tout retard dans la déclaration ou le paiement de la TVA entraînera des amendes et des pénalités pouvant atteindre 15 % du montant dû. Cette rigueur illustre une volonté claire de responsabilisation.
Une pression asymétrique
Alors que l’État exige efficacité et rapidité des entreprises, il est frappant de constater l’absence de sanctions similaires dans le fonctionnement politique. Lorsqu’un gouvernement est en affaires courantes, aucune pénalité ne s’applique aux élus pour leur incapacité à former un exécutif de plein exercice. Cette lenteur politique, pourtant, a des conséquences bien réelles : dettes qui s’accumulent, insécurité qui s’aggrave, et pauvreté qui progresse.
Ne pourrait-on pas s’inspirer des règles du Ministère des Finances pour inciter nos responsables politiques à davantage de diligence ?
Des propositions pour responsabiliser nos élus
Voici quelques pistes :
- Suspension des traitements : tout membre d’un exécutif en affaires courantes verrait son salaire gelé jusqu’à la nomination d’un gouvernement de plein exercice.
- Inéligibilité temporaire : toute démission en affaires courantes entraînerait une interdiction de nomination pendant plusieurs années.
- Pénalités progressives : chaque élu concerné pourrait voir son traitement réduit de 5 % par mois, jusqu’à atteindre zéro après 20 mois.
Ces mesures permettraient de recentrer l’attention des élus sur leurs responsabilités essentielles, en évitant de perdre du temps sur des débats secondaires, comme celui des castors ou des plantes exotiques invasives à Bruxelles.
Une transparence exigée des entreprises, mais pas des gouvernements
Dans le secteur privé, un chef d’entreprise doit rendre des comptes. Une mauvaise gestion peut engager sa responsabilité personnelle et financière. À l’inverse, en Région bruxelloise, malgré le rejet répété des comptes par la Cour des Comptes, aucune sanction n’est prévue pour les membres de l’exécutif. Ce constat s’étend également à la Communauté française et à la Région wallonne, où des dérives budgétaires majeures n’ont entraîné aucune conséquence.
Comment accepter qu’au XXIe siècle, des scandales tels que le surcoût faramineux de la gare de Mons restent impunis ?
Réconcilier les citoyens avec leurs élus
Imposer des sanctions financières personnelles aux responsables politiques pour les dépassements budgétaires ou les retards de formation des gouvernements pourrait rétablir une confiance aujourd’hui érodée entre les citoyens et leurs dirigeants. Les citoyens belges, eux, sont déjà responsables d’une multitude de tâches complexes, y compris la collecte des impôts. Pourquoi nos élus seraient-ils exemptés de cette logique de responsabilité ?
En responsabilisant nos gouvernements et nos élus, nous pourrions espérer des priorités mieux définies et une gestion publique plus rigoureuse. Et, qui sait, peut-être verrions-nous enfin émerger des exécutifs dignes de ce nom, inspirés par les meilleures pratiques du Ministère des Finances.
Xavier Corman, entrepreneur dans la Fintech
(Photo Belgaimage : le gouvernement wallon MR-Engagés sur le perron de l’Élysette, 15 juillet 2024)