Paru récemment, le rapport « Shaping Minds, Shaping Society: Comment les ressources éducatives belges sur le conflit israélo-palestinien alimentent la polarisation sociale et l’antisémitisme » expose de manière critique l’impact des matériaux éducatifs utilisés dans les écoles belges pour aborder le conflit israélo-palestinien.
Ces ressources, produites sous l’influence d’organismes comme Enabel (Development Agency of the Belgian Federal Government), et parrainées par la Direction Générale de la Coopération au Développement (DGD), « véhiculent des représentations biaisées qui contribuent à nourrir la radicalisation et l’intolérance chez les jeunes élèves ». Le Pr émérite en sociologie Marc Elchardus qui signe l’avant-propos se dit « inquiet ». Le Pr émérite de philosophie Guy Haarscher (ULB) écrit en préface : « Le rapport pointe notamment des critiques disproportionnées d’Israël, qui est la plupart du temps présenté comme coupable d’actes inacceptables et les Palestiniens considérés comme des victimes ; les matériaux n’évitent pas l’emploi de termes à manipuler avec des pincettes comme le génocide, l’épuration ethnique ou l’apartheid. Israël est souvent dé-légitimé dans son existence même (le « projet sioniste »). Surtout – et c’est un point crucial – le récit des événements se trouve extrêmement simplifié, le contexte est souvent omis, le langage et les questions posées sont souvent tendancieux. C’est singulièrement quand un conflit tel que celui-ci suscite une telle polarisation qu’un travail pédagogique digne de ce nom se révèle nécessaire. »
Des récits partiaux, vecteurs de messages politiques
Depuis des décennies, la manière dont le conflit israélo-palestinien est perçue dans le monde a façonné les attitudes en Belgique, un pays divisé entre ses communautés flamande et francophone, rappelle le rapport. Alors que des agences gouvernementales comme Enabel et des ONG comme l’Association belgo-palestinienne, Commission Justice et Paix, Pax Christie Wallonie, Oxfam Solidarité, Quinoa, SolSoc, Viva Salud et plus de 60 autres ONG influencent directement la production de matériel éducatif, ces ressources « servent souvent de vecteur à des messages politiques sous couvert d’éducation citoyenne ».
La question qui se pose est de savoir comment ces contenus façonnent les mentalités des élèves, alimentant la polarisation sociale. La réponse est inquiétante : ces ressources promeuvent des récits partiaux, au détriment de la pensée critique, affirme le rapport signé IMPAC (International Movement for Peace et Coexistence).
Méthodologie
L’étude a analysé un échantillon représentatif de 52 ressources pédagogiques. Ce qui en ressort, c’est un biais systémique : « les termes « Israël », « Palestine », et « Gaza » dominent les discussions autour des conflits mondiaux, tandis que les réalisations israéliennes en matière de science, de médecine ou de technologie sont largement passées sous silence. »
Le rapport affirme mettre en lumière une politisation des ressources éducatives, qui se traduisent par un focus disproportionné sur Israël, présenté sous un jour négatif, voire diabolique. Ce biais est observé tant dans les matériaux utilisés en Flandre qu’en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB).
L’impact sur les jeunes et les écoles
Les conséquences sont visibles sur le terrain. Depuis le 7 octobre 2023, date marquante du conflit entre Israël et le Hamas, on assiste à une montée fulgurante des incidents antisémites et des discours radicaux parmi les élèves belges, insiste le rapport. Des agences comme l’OCAD et la Sûreté de l’État notent une augmentation exponentielle des rapports sur des comportements extrémistes. « Dans ce contexte, il devient clair que les ressources éducatives ne remplissent pas leur rôle : elles ne freinent pas la polarisation, elles l’alimentent », affirme IMPAC.
Ce rapport pointe du doigt la manière dont des acteurs institutionnels belges, notamment Enabel, intègrent des priorités politiques dans le matériel scolaire. L’objectif affiché est de promouvoir une éducation citoyenne mondiale en ligne avec les Objectifs de Développement Durable (ODD). Pourtant, selon l’étude « cet alignement éducatif avec des objectifs politiques se traduit par une diabolisation d’Israël, à travers des représentations simplistes et biaisées ». « Les récits antisémites ne sont pas rares : 75 % des ressources analysées véhiculent des idées associées à l’antisémitisme anti-Israël, ce qui contrevient aux normes internationales. »
Quels biais ?
Le rapport établit dix indicateurs permettant de mesurer le niveau de partialité dans les contenus éducatifs, allant de l’utilisation d’un langage biaisé à la promotion d’idées simplistes et radicales. « 98 % des ressources ne parviennent pas à encourager la pensée critique, ce qui pose un problème majeur dans un système éducatif qui se veut inclusif et respectueux de la diversité. Le potentiel de radicalisation est identifié dans plus de 60 % des cas, ce qui représente une menace pour la cohésion sociale en Belgique. »
Le rapport compare également les contenus éducatifs belges aux normes établies par l’UNESCO, le Conseil de l’Europe et d’autres organismes internationaux. L’analyse affirme démontrer « que les ressources actuelles ne respectent pas les critères d’objectivité, de diversité et d’équilibre requis. Elles contreviennent également aux politiques éducatives nationales qui visent à promouvoir la pensée critique et à éviter la polarisation. »
Conclusion d’IMPAC : les matériaux éducatifs belges ne respectent pas les normes d’objectivité, et leur contenu politisé contribue à la montée de l’antisémitisme et de la radicalisation. « Au lieu d’encourager la réflexion et la compréhension, ces ressources créent un climat de division, dans lequel les élèves sont exposés à des messages partiaux et idéologiques. En outre, elles menacent directement les objectifs des ODD, en particulier l’ODD 4, qui vise à assurer une éducation inclusive et de qualité. »
Agir
Si la Belgique veut endiguer la polarisation croissante et l’antisémitisme, des réformes profondes sont nécessaires. Le rapport d’IMPAC appelle à une révision indépendante des ressources pédagogiques actuelles, en particulier celles influencées par la DGD et ses partenaires. Il est crucial de garantir que ces matériels ne propagent plus de contenus radicaux, mais respectent les principes d’objectivité et d’inclusion. « Ce n’est qu’à travers une réforme systématique de ces ressources que la Belgique pourra espérer réduire la polarisation et promouvoir un climat éducatif sain pour ses jeunes. »
Le rapport complet ici
Nicolas de Pape
(Photo Belga)