Les intentions d’Emmanuel Macron sont peut-être louables : relancer la solution à deux États, favoriser la reconnaissance d’Israël par ses voisins arabes. Mais, une fois de plus, la méthode tient du bricolage diplomatique. L’État palestinien, bien que reconnu par les deux-tiers des membres de l’ONU, n’existe toujours pas concrètement, et la confiance israélienne a volé en éclats depuis le massacre du 7 octobre. En outre, le timing est douteux : ce serait une prime au terrorisme.
Pour les observateurs lucides – et ils ils sont rares –, le 7 octobre a signé l’acte de décès de la cause palestinienne. Tahar Ben Jelloun l’a écrit dans Le Point : « Le 7 octobre, la cause palestinienne est morte, assassinée ». Même Bernard-Henri Lévy, pourtant partisan de la solution à deux États, n’y croit plus.
Restons optimistes : un État palestinien pourrait, peut-être, faire baisser la pression antisémite d’origine musulmane, en Europe notamment. Il deviendrait un État normal, moins utile aux extrêmes et moins fascinant pour une partie de nos élites, qui s’y accrochent avec un fétichisme idéologique inquiétant. Un conflit mythique qui, s’il n’opposait pas Arabes et Juifs, n’aurait strictement aucune couverture ni médiatique ni académique.
Sept occasions manquées
Car un État palestinien a déjà été proposé au moins sept fois :
- 1937, plan Peel.
- 1947, plan de partage de l’ONU (40% d’Arabes dans l’Etat juif, 2% de Juifs dans l’Etat arabe).
- 1967, offre israélienne de restitution des territoires contre la paix, rejetée par les « trois non » de Khartoum par la Ligue arabe.
- 1978, Camp David I.
- 1993-1995, Oslo.
- 2000, Camp David II (Barak – Arafat).
- 2008, plan Olmert.
À chaque fois, refus, essentiellement côté palestinien. Par peur, par calcul, ou par refus d’un compromis…
La reconnaissance d’un État palestinien dans les conditions actuelles n’a aucune valeur pratique. Elle relève de la politique-spectacle.
Aujourd’hui, les contours d’un hypothétique État palestinien incluraient la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est – plus quelques compensations territoriales. Mais rien n’existe concrètement. Pas d’unité politique. Pas d’armée régulière. Pas de régime démocratique. Pas de sécurité. Tels étaient les contours, notamment, de la proposition du Premier ministre travailliste Ehoud Barak à Camp David en juillet 2000 que Yasser Arafat, le président palestinien à l’époque, a fini par refuser, craignant pour sa vie. Un refus encore rappelé récemment par l’ex-président Bill Clinton, qui ne peut cacher son amertume en tant qu’hôte des deux belligérants.
La réalité du terrain
La Cisjordanie est divisée en zones A, B, C. Israël contrôle environ 60 % du territoire, dont toutes les colonies. Gaza, plus petite (365 km², soit 2,2 fois Bruxelles), est l’un des endroits les plus densément peuplés au monde. La reconstruction prendra au moins dix ans.
La Cisjordanie, bien plus grande (15 fois Gaza), pourrait devenir une base avancée pour des groupes armés si elle passait sous contrôle d’un pouvoir instable ou hostile. C’est en tout cas le sentiment des Israéliens. Chat échaudé craint l’eau froide. Car, sur place, le Hamas est loin d’être le seul acteur extrémiste. Le Jihad islamique, les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa continuent d’opérer en Cisjordanie..
Imaginez la Belgique dans ce contexte : 1 400 morts dans des attaques terroristes, 300 kidnappés, Anvers sous les roquettes d’un Hezbollah local, Bruxelles visée par des drones lancés depuis la Méditerranée, et 1 000 militaires tués… Que dirions-nous face à la Communauté internationale nous reprochant de tuer des civils ?
Macron : une proposition aux allures de politique-spectacle
Accepter la création d’un État palestinien aujourd’hui reviendrait, pour Israël, à prendre un pari existentiel. La bande côtière israélienne, au niveau de Netanya, fait moins de 15 km de large : le futur État palestinien serait juste là, à portée de roquette. Même si Israël est 3,7 fois plus grand que la Cisjordanie, sa géographie reste hautement vulnérable.
Et surtout : quel partenaire pour la paix entre une autorité palestinienne sans légitimité démocratique, un Hamas qui ne veut pas mourir et des ministres israéliens sans concession, comme Smotrich et Ben Gvir ?
La reconnaissance d’un État palestinien, dans ces conditions, n’a aucune valeur pratique. Elle relève de la politique-spectacle. Du « en même temps » diplomatique. Un geste pour la galerie, sans interlocuteur fiable en face. Encore une fois, Emmanuel Macron joue à la politique étrangère comme à la diplomatie intérieure : en creux, en image, en communication. C’est son « domaine réservé » de président… fantôme.
Nicolas de Pape
(Photo Belgaimage)