La réforme des droits d’enregistrement et de succession, votée par la nouvelle majorité wallonne MR-Engagés, fait logiquement grincer des dents à gauche. Elle répond pourtant aux valeurs de « justice sociale ». Une carte blanche de Gaëtan Zeyen, avocat et docteur en droit fiscal.
Le choix exprimé par les électeurs wallons, lors des dernières élections du 9 juin 2024, a fait basculer le centre de décision politique de la gauche ‘régressiste’ vers un attelage de centre-droit constitué du MR et des Engagés.
Cette volonté nette de changement politique, qui constitue déjà en soi une véritable révolution copernicienne après des décennies de mainmise PS, se révèle également doublement bénéfique pour le portefeuille des Wallons : le 4 décembre, le Parlement wallon a en effet adopté le décret ‘instaurant un taux réduit de droits d’enregistrement pour l’acquisition d’une habitation propre et unique ainsi qu’une diminution générale des droits de succession.’
Un double allègement de la fiscalité sur le patrimoine
Ce décret consacre ainsi un double allègement salutaire de la fiscalité pesant sur le patrimoine des Wallons.
- D’abord, en réduisant très significativement (le taux passera de 12,5%, taux ordinaire actuel, à 3%) à partir du 1er janvier 2025, les droits d’enregistrement applicables au bien immobilier destiné à devenir l’habitation ‘propre’ et ‘unique’ du contribuable.
Cette mesure a donc pour objectif louable de faciliter l’accès à la propriété, particulièrement dans le chef des primo-acquérants.
Le bénéfice de cette mesure est toutefois subordonné au respect des conditions suivantes : (i) le contribuable ne peut posséder un autre bien destiné en tout ou en partie à son habitation (habitation ‘unique’), que ce bien soit sis en Belgique ou à l’étranger ; (ii) l’acheteur doit s’installer dans le bien acquis dans un délai de 3 ans s’il s’agit d’une habitation existante ou de 5 ans s’il s’agit d’un terrain à bâtir ou d’une habitation en construction ou sur plan, et y conserver sa résidence principale pendant au moins 3 ans à compter de la date d’établissement de sa résidence principale dans le bien (habitation ‘propre’).
En revanche, à partir du 1er janvier 2025, les autres mesures qui coexistaient en cette matière jusqu’à présent (i.e., l’abattement primo-acquérant ; le chèque habitat et le taux réduit pour habitation modeste) seront supprimées.
- Ensuite, en abaissant fortement les taux en matière de droits de succession.
Ainsi, à partir du 1er janvier 2028, les taux maximaux passeront :
- de 30 % à 15 % en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux ;
- de 65 % à 33 % en ligne collatérale « frères et sœurs » ;
- de 70 % à 35 % en ligne collatérale « oncles ou tantes et neveux ou nièces » ;
- de 80 % à 40 % entre toutes autres personnes.
Cette mesure d’abaissement des taux s’accompagne de la création d’une ‘forfaitarisation’ optionnelle des frais funéraires et ‘petites’ dettes du défunt, afin de simplifier la procédure de liquidation de la succession.
Les mesures ainsi adoptées en matière de droits de succession sont d’autant plus louables qu’elles visent un impôt très largement perçu comme injuste, à plus d’un titre : symboliquement, car cet impôt est parfois qualifié de ‘taxe sur la mort’ ; concrètement, car il frappe un patrimoine qui a déjà subi une imposition multiple (droits de donation ; droits d’enregistrement ; IPP ; TVA ; etc.).
Ces mesures n’ont d’ailleurs pas été critiquées par l’opposition, PS en tête, à l’inverse de celles qui concernent les droits d’enregistrement.
Une réforme indispensable et socialement juste
S’agissant de ces dernières, Christie Morreale a dénoncé une réforme ‘socialement injuste’ : selon les chiffres avancés par le PS, la réduction annoncée « profitera principalement aux ménages capables d’acquérir des biens dont la valeur dépasse 350.000 euros, alors que le prix moyen d’une habitation en Wallonie est de 243.000 euros en 2024. »
Le PS propose un contre-modèle, reposant sur un mécanisme de taux progressifs par tranche, à l’instar de l’IPP.
À vrai dire, on perçoit mal le caractère « socialement injuste » ou « inique » de cette réforme.
D’abord, l’objectif d’un texte législatif (loi, décret ou ordonnance), particulièrement lorsqu’il a pour but un allègement notable de la fiscalité pesant sur le patrimoine, n’est-il pas de bénéficier, par principe, au plus grand nombre ?
Ensuite, est-ce réellement ‘socialement juste’ de considérer, à l’instar du PS, que les contribuables contribuant le plus à l’impôt (à l’IPP) et donc au maintien du système (et donc au maintien des avantages divers dont bénéficie très majoritairement la ‘clientèle’ PS), ne puissent pas bénéficier en retour d’un abattement d’impôt en concordance avec leurs revenus ?
Enfin, l’instauration d’un taux unique est la mesure la plus juste ; elle place les contribuables sur un strict pied d’égalité et permet néanmoins de faire contribuer les ‘épaules les plus larges’ à concurrence de leurs ressources.
Ne faudrait-il pas privilégier cette voie également à l’IPP ?
La volonté de redéfinir un système fiscal plus ‘juste’ passe par une réduction massive de la fiscalité et réduction significative des dépenses publiques, comme le suggère l’aphorisme d’Alphonse Allais : « Il faut demander plus à l’impôt, moins aux contribuables. » À méditer.
Gaëtan Zeyen, avocat et docteur en droit fiscal
(Photo : Belgaimage)