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Subventions publiques aux ONG : la fin d’un modèle intouchable ?

par Quentin Van den Eynde
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Dans un contexte budgétaire des plus difficiles, l’État n’a pas vocation à financer structurellement et indéfiniment des ONG qui seraient incapables de prouver leur pertinence par le biais du soutien citoyen. Une carte blanche de Quentin Van den Eynde, avocat au barreau de Bruxelles.

L’affaire « Dryade », du nom d’une ONG écologiste flamande, met en lumière une problématique qui transcende les frontières de la Flandre : le modèle économique de certaines ONG, reposant principalement voire exclusivement sur des subsides publics, est de plus en plus remis en question. Cette contestation s’inscrit dans une tendance globale observée dans les démocraties occidentales, où la pression budgétaire croissante implique une évolution des priorités politiques et redéfinit le rôle et le financement des associations se réclamant de la société civile. La situation soulève une question fondamentale mais pourtant peu abordée : pourquoi certaines ONG vivent-elles presque exclusivement d’aides publiques ? Et est-ce encore justifiable dans le contexte budgétaire que nous vivons ?

Les ONG : actrices de l’intérêt général ou organisations partisanes ?

Historiquement, les ONG ont émergé comme des initiatives indépendantes, ancrées dans un soutien citoyen direct et financées par des donateurs privés ou par les cotisations de leurs membres. Des organisations emblématiques comme Médecins Sans Frontières, Amnesty International ou encore Greenpeace incarnent ce modèle : elles ont bâti leur crédibilité et leur autonomie sur des campagnes de levée de fonds, des membres bénévoles motivés et des partenariats stratégiques qui leur permettent d’agir sans dépendre des fluctuations de l’action publique.

Cependant, de nombreuses ONG se sont progressivement tournées vers des financements publics pour couvrir leurs besoins structurels. Ce basculement pose une contradiction majeure : si une ONG se veut acteur d’utilité publique, son incapacité à mobiliser un financement privé peut révéler un désaveu implicite de la société civile qu’elle prétend représenter.

Dans un contexte où les ressources publiques sont limitées, l’État n’a-t-il pas une responsabilité prioritaire d’allouer ces fonds à ses missions régaliennes et indispensables, comme la justice, l’éducation ou la santé ? Subventionner ad vitam aeternam des acteurs privés aux objectifs souvent polémiques ou dogmatiques semble difficilement défendable.

Des priorités budgétaires en décalage avec les besoins urgents

Le cas de Dryade met en lumière un problème de fond dans la gestion des ressources publiques. Comment expliquer qu’en Belgique, certains tribunaux, piliers de l’État de droit, n’aient même pas les moyens de financer des fournitures de base, comme du papier toilette, alors que des centaines de millions d’euros sont allouées à des associations privées chaque année ?

Cette situation illustre un décalage inquiétant dans les priorités budgétaires. Les institutions judiciaires, qui sont essentielles pour garantir l’accès des citoyens à leurs droits, sont sous-financées, ce qui affecte directement leur capacité à fonctionner. À l’inverse, des associations privées reçoivent des subventions massives pour des missions parfois marginales ou controversées, sans qu’un véritable contrôle de leur efficacité ou de leur impact ne soit exercé.

Dans un contexte budgétaire des plus difficiles, l’État n’a pas vocation à financer structurellement et indéfiniment des ONG qui seraient incapables de prouver leur pertinence par le biais du soutien citoyen. Les deniers publics doivent être prioritairement affectés au financement adéquat et au fonctionnement efficace des services publics.

Cela ne signifie assurément pas que les ONG n’ont pas de rôle à jouer dans la société. Au contraire, elles doivent se positionner comme des acteurs autonomes, indépendants et capables de mobiliser pleinement les citoyens. Une ONG véritablement légitime devrait puiser sa force dans ses membres et ses donateurs, et non dans des subventions publiques structurelles.

Une dépendance incompatible avec l’indépendance

La dépendance financière de certaines ONG aux subventions publiques soulève également une question structurelle : leur indépendance réelle. Une organisation qui survit uniquement grâce à des fonds publics perd nécessairement une partie de sa liberté d’action et de critique. Cela crée un paradoxe : comment jouer le rôle de contre-pouvoir face à l’État, tout en étant dépendant de celui-ci pour sa survie ?

Dryade, par exemple, engage des recours systématiques contre des politiques publiques ou des projets industriels. Pourtant, son incapacité à se financer autrement que par l’État soulève une question centrale : si, selon elle, son rôle est véritablement crucial pour notre société, pourquoi peine-t-elle à mobiliser des soutiens privés significatifs ?

Cette dépendance met en lumière une faille dans certains modèles économiques. Une ONG qui ne parvient pas à attirer des financements privés ou à rassembler une base de membres engagés devrait s’interroger sur la pertinence de son action et la manière dont elle répond aux besoins réels de la société.

Vers un modèle renouvelé ?

L’affaire Dryade invite à une réflexion profonde sur le modèle de financement des ONG, et en particulier sur le rôle de l’État dans leur subventionnement. Une ONG n’étant pas un service public, si elle prétend défendre l’intérêt général, elle doit être en mesure de démontrer qu’elle bénéficie d’un soutien citoyen tangible et significatif, notamment sur le plan financier. Une organisation reposant essentiellement sur des subsides publics compromet à la fois sa légitimité et son indépendance.

Les gouvernements, de leur côté, doivent faire preuve de discernement. Subventionner des associations « amies » en raison de leur orientation politique, souvent porteuses de causes polémiques ou marginales, au détriment de budgets destinés aux services publics essentiels comme la justice ou la santé, ne fait qu’alimenter la défiance des citoyens et exacerber la polarisation de la société.

L’avenir des ONG passe par une réforme de leur modèle économique. Elles doivent apprendre à fédérer et mobiliser des ressources privées pour garantir leur pérennité et renforcer leur crédibilité. En parallèle, les pouvoirs publics doivent recentrer leurs ressources sur le bon fonctionnement des services de l’État. Ce n’est qu’à ce prix que l’État pourra garantir un équilibre entre le soutien à la société civile et une gestion responsable des deniers publics.

Quentin Van den Eynde, Avocat au barreau de Bruxelles

(Photo Belgaimage : action de militants de Greenpeace à Londres, 2 décembre 2024)

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