Les prisons wallonnes débordent, et le parquet de Liège prend une mesure inédite : les condamnés à des peines légères ne seront plus envoyés derrière les barreaux pour l’instant. Une suspension qui révèle un système pénal à bout de souffle, entre surpopulation carcérale et incapacité à réagir.
Depuis le 25 octobre, les billets d’écrou – ces fameuses convocations qui ordonnent à un condamné de se présenter en prison – sont suspendus à Liège. La directive, reçue initialement pour un mois, a été prolongée jusqu’au 26 novembre. La raison ? Les prisons sont pleines. Tout simplement. Sudinfo a révélé l’ampleur du problème et les limites d’une gestion devenue complexe.
Mesures judiciaires et administratives
La Belgique fait face depuis plusieurs années à une surpopulation carcérale chronique. En mars 2023, le pays comptait déjà 11 402 détenus pour 9 755 places, soit une surpopulation de près de 17 %. Cette situation a conduit à des conditions de détention jugées inhumaines et dégradantes, entraînant plusieurs condamnations de l’État belge par des tribunaux nationaux et la Cour européenne des droits de l’homme.
Face à cette situation, des tribunaux belges ont ordonné à l’État de réduire la surpopulation carcérale. Par exemple, en novembre 2022, le tribunal de première instance de Liège a condamné l’État belge à mettre fin à la surpopulation à la prison de Lantin, sous peine d’astreintes financières.
Lantin, emblème d’un système saturé
Avec une surpopulation chronique, la prison de Lantin est devenue l’exemple parfait d’un échec structurel. Pas de possibilité d’agrandissement, et la construction de nouvelles prisons, comme celle d’Anvers prévue pour 2026 (à plus de 200 millions d’euros), ne répond pas aux urgences immédiates. Pendant ce temps, les condamnés à des peines inférieures ou égales à cinq ans patientent… à domicile.
Des solutions… ou un cache-misère ?
Des mesures comme la surveillance électronique ou les travaux d’intérêt général sont avancées comme des solutions miracles. Sur le terrain, ces alternatives peinent à absorber l’ampleur des condamnations. Et les nouvelles prisons, même à prix d’or, arriveront bien trop tard.
Avec ces reports, une question brûlante reste sur toutes les lèvres : la crédibilité du système pénal. Si des condamnés doivent attendre des mois avant d’être incarcérés, quel message est envoyé ? La réponse est simple : un sentiment d’impunité pour certains, et pour d’autres, un désaveu total d’un État incapable de faire respecter ses propres décisions.
Cette suspension est un signal d’alarme de plus. Entre des prisons saturées, des moyens inexistants et une administration dépassée, c’est tout le système qui vacille. Si rien n’est fait rapidement, ce ne sont plus seulement les prisons qui exploseront, mais la confiance des citoyens dans l’idée même de justice.
A.G.
(Photo Belgaimage : la prison de Lantin)