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Syrie : la joie de la chute du régime al-Assad laisse place à des bains de sang

par Jérémie Renous

Le 10 mars, l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH) recensait la mort de 973 civils, en grande partie membres de la minorité alaouite, tous exécutés de sang-froid. L’OSDH précise néanmoins que les chiffres exacts de ces tueries restent impossibles à vérifier dans le contexte actuel et que le nombre de civils alaouites assassinés pourrait largement dépasser le millier de personnes.

Le 6 mars, des fidèles de l’ancien dictateur syrien Bachar al-Assad lançaient une offensive contre les forces du nouveau régime. Cette opération coordonnée comprenait 81 attaques menées contre 32 sites sensibles le long de la côte syrienne. Cette région est le bastion de la minorité alaouite, dont est issue la famille al-Assad. Cette attaque a pris de court le nouveau régime islamiste au pouvoir. Des forces de Damas et des milices affiliées ont répondu à ces opérations et ont été rejointes par des civils voulant se venger contre les Alaouites. S’ensuivit une séquence meurtrière où femmes, enfants et hommes non-armés ont été pris pour cible. La plupart des civils tués par les forces gouvernementales étaient des Alaouites, bien que la mort de Chrétiens ait également été confirmée. Parmi les personnes assassinées par les insurgés de l’ancien régime, on trouve des Sunnites, des Alaouites et des Chrétiens. 

Le nouveau gouvernement perd le contrôle

Les massacres de civils alaouites le long de la côte syrienne ont été principalement menés par des milices extrémistes affiliées au régime, ainsi que par des civils armés en quête de vengeance. Parmi ces groupes armés, en partie composés de djihadistes étrangers, plusieurs ont déjà été accusés de violations des droits humains. Néanmoins, si ces milices répondent à l’appel du nouveau régime syrien pour combattre les forces fidèles à Bachar al-Assad, c’est avant tout parce que Damas manque de combattants pour sécuriser l’ensemble du territoire national. Les factions extrémistes auxquelles Ahmed al-Charaa est allié ont échappé à son contrôle – un scénario craint par les experts depuis la prise de pouvoir du nouveau régime en décembre 2024.

Le régime fait trop peu … trop tard


Face à cette crise, le régime de Damas tente de reprendre le contrôle de la situation. Après les premiers rapports faisant état de massacres, le ministère de l’Intérieur syrien a publié une double déclaration appelant les civils à ne pas s’impliquer et à laisser la réponse au gouvernement. Il a aussi ordonné à toutes les forces pro-gouvernementales de respecter les procédures appliquées lors de l’offensive ayant renversé le régime Assad, à savoir ne pas cibler les civils. Pourtant, une grande partie des massacres avait déjà eu lieu à ce moment-là. Ahmed al-Sharaa a aussi prononcé deux discours nationaux en réaction à cette crise, dont le plus important a annoncé la création d’une commission d’enquête de trente jours chargée de faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé. Cet organe aura le pouvoir de désigner les personnes à déférer à la justice pour les crimes commis pendant ces massacres.

Un défi de taille pour le nouveau régime


Jusqu’à cette crise, le nouveau régime mené par Ahmed al-Sharaa avait réussi à apparaître comme un partenaire fiable pour la communauté internationale – en témoignent les 235 millions d’euros d’aide de la part de l’Union européenne annoncés en janvier. Néanmoins, la manière dont le régime rendra la justice à la suite de ces massacres sera cruciale pour la réintégration de la Syrie dans le concert des nations. Le régime de Damas a déjà commencé à communiquer sur le sujet en publiant des vidéos d’arrestations de personnes ayant pris part aux tueries des minorités, mais des centaines d’Alaouites sont toujours réfugiés au Liban et dans l’ancienne base militaire russe de Hmeimim, craignant de nouvelles vagues de violence. Le chemin vers la réconciliation ethnique restera long.

Jérémie Renous

(Photo Belgaimage)

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