Seconde partie de notre entretien avec Mgr Franco Coppola, nonce apostolique en Belgique. Il est question de la visite du pape en Belgique, des dossiers de pédophilie mis au jour récemment et de la succession des évêques belges, qui s’annonce difficile.
21News : Pour la visite du pape François, il y avait quand même un contraste entre les ambiances de Leuven et de Louvain-la-Neuve…
Mgr Franco Coppola : Pour moi, la rencontre de Louvain-la-Neuve s’est passée dans un moment de transition. Mme Smets, la nouvelle rectrice, venait de prendre le relais de M. Blondel qui avait accepté la visite du Pape. Elle n’était donc pas vraiment la responsable de ce qui se préparait. Il y a peut-être eu certaines difficultés comme, par exemple, la lettre ouverte au Saint-Père. Cette lettre a été rédigée par des professeurs et des étudiants de l’université, mais elle a vu le jour – m’a-t-on rapporté – sans la participation ou l’implication des professeurs et des étudiants de la Faculté de théologie. Vous concèderez que cette démarche est un peu étrange… Pourquoi exclure la Faculté de théologie ? Avec la conséquence que ce qui était dit dans cette lettre se caractérisait par un manque d’éclairage théologique. Le minimum était certainement de tenir aussi compte du message de l’Église. Il y a donc eu là une confrontation entre une mentalité aujourd’hui médiatiquement très répandue dans le monde sécularisé, qui considère que la différenciation entre les hommes et les femmes relève exclusivement de la culture et du choix individuel de chacun. Et qu’il ne faut dès lors plus parler de caractéristiques originelles parce qu’il y aurait une égalité totale entre hommes et femmes. Au contraire, la vision chrétienne reconnaît dans les corps la spécificité d’être un homme ou une femme. Mais aussi la vocation particulière d’être l’un ou l’autre. Avec une égale dignité entre eux mais aussi en tenant compte de la complémentarité des vocations respectives. Ce qui est de l’homme n’est pas tout nécessairement de la femme et inversement…
Visite du Pape : « On a eu le triple de demandes par rapport aux places disponibles »
21News : Cela a quand même jeté un certain trouble, aussi bien sur la manière dont la lettre avait été rédigée en ignorant certains acteurs de l’Alma Mater que sur sa présentation spectaculaire et polémique et puis aussi sur le fait qu’en quittant l’Aula Magna, les journalistes accrédités ont reçu immédiatement un communiqué de presse auquel ils ne s’attendaient pas… Cela a jeté un trouble, y compris chez nous, émanant de la part d’une université qui a tenu à conserver le C de catholique dans sa dénomination… et qui reste une référence… J’ai l’habitude de dire à des amis laïques ou francs-maçons que j’ai fait mon libre examen, non pas à l’ULB mais pendant mes études secondaires au Collège Saint-Pierre à Uccle et universitaires, d’abord aux facultés Saint-Louis puis à l’UCL… Mais revenons-en à la visite du Pape. J’ose penser que, pour vous, cela restera un temps fort de votre présence à Bruxelles ?
Mgr Franco Coppola : Oui, l’ensemble de la visite mais au-delà de toutes les rencontres qu’on a évoquées, on peut considérer que la célébration finale au stade Roi Baudouin fut une belle conclusion… L’eucharistie finale a été un grand moment de fête et de joie pour les milliers de Belges, de toutes origines et de toutes provenances qui se sont rassemblés autour du Saint-Père. À la fois pour célébrer leur foi, mais aussi pour exprimer leur joie de l’avoir compté à leurs côtés, dans nos murs, si j’ose m’exprimer ainsi… Ce fut vraiment un grand moment de fête… Je dois dire que dans les tous premiers moments de l’annonce de la venue du pape François, on a pu penser que c’était presque audacieux de faire cette messe au Heysel. De fait, si le stade n’est pas plein, on le voit évidemment tout de suite… Ici, il faut le reconnaître, les fidèles se sont inscrits massivement et jusqu’à la dernière minute, on a vu augmenter le nombre de personnes désireuses de vivre ce moment de communion final… On a eu le triple de demandes par rapport aux places disponibles… Un chiffre à ne pas prendre à la légère !
« On vient d’un monde où les baptêmes étaient presque généralisés »
21News : On vous rétorquera sans doute que ce succès tient aussi à la personnalité du pape François qui, depuis son accession au trône de Pierre en mars 2013, a pu (re)mobiliser un certain nombre de chrétiens…
Mgr Franco Coppola : C’est tout aussi positif… Le Seigneur nous a donné ce Saint-Père comme modèle de référence pour notre foi… tout comme ce fut le cas pour ses prédécesseurs. J’ai personnellement eu déjà six papes ; chacun d’entre eux a été sans nul doute le Pape qu’il fallait à ce moment-là… Jean XXIII, Paul VI, Jean Paul Ier, Jean Paul II, Benoît XVI et enfin le Pape François…
21News : Revenons-en encore à l’Église de Belgique… L’institution a récemment publié les résultats de l’enquête interne auquel elle se soumet régulièrement. Certains chiffres pourraient être interprétés comme très négatifs – de la fréquentation dominicale aux vocations en baisse, etc – mais ce pourrait aussi être le coup d’envoi d’une relance, d’initiatives diverses qui ne demandent qu’à germer dans un environnement largement décléricalisé…
Mgr Franco Coppola : Ce sont des réalités qu’on ne peut esquiver, mais continuer à comparer le fonctionnement de l’Église belge aux données d’hier voire d’avant-hier n’a plus de sens. Certes, les catholiques deviennent minoritaires mais tout rapporter au passé n’a plus de sens. Oui, on vient d’un monde où les baptêmes étaient presque généralisés et où les assemblées dominicales faisaient le plein et où on observait les rites de passage et les sacrements qui y sont liés souvent par habitude, par tradition culturelle. On ne peut plus se comparer à cette période où tout le monde était baptisé, faisait sa communion, se mariait et était enterré après un détour par l’Église. Force est de reconnaître que, dans les dernières décennies, ce n’étaient pas souvent des choix assumés mais le fruit des us et coutumes d’une époque où le christianisme imprégnait la société, par habitude plus qu’au nom de convictions pleinement assumées !
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