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Vous risquez de payer cher l’île énergétique en Mer du Nord

par Lode Goukens
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L’île Princesse Elisabeth destinée à raccorder les nouveaux parcs d’éoliennes en 2030 ne coûtera pas deux, mais sept milliards d’euros. Un coût que les consommateurs devront payer. Pourquoi ? Parce que le gouvernement avait décidé de mettre l’investissement dans les tarifs du réseau sur la facture des consommateurs d’électricité.

Le projet de prestige de la ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten (Groen) a du plomb dans l’aile depuis le début. En août 2023, la facture de l’île avait déjà augmenté de 1,36 milliard d’euros. Donc, 62 % plus cher que prévu. Un an plus tard, les coûts ont triplé et le projet est loin d’être achevé. L’investissement initial était 2,205 milliards d’euros. L’addition risque d’être de 7 milliards ou plus.

Tandis que les groupes flamands de dragage DEME et Jan De Nul sont en train de construire l’île artificielle dans les eaux de la Mer du Nord, la viabilité de cette énorme « multiprise dans la mer » reste chimérique. Un câble pour raccorder les éoliennes des pays scandinaves vient d’être supprimé par le gouvernement danois. De même, la réalisation d’une pareille île multiprise a été mise au frigo le mois dernier par les autorités néerlandaises.

Les conditions du contrat entre le gestionnaire de réseaux haute tension belge (Elia) et les groupes de dragage sont tellement complexes que les coûts peuvent changer du jour au lendemain.

C’est le consommateur qui paiera

Le problème majeur est que les investissements se retrouveront dans les factures des consommateurs d’électricité belges, via les tarifs du réseau d’Elia. En principe, la ministre de l’Énergie décide et la confirmation par le régulateur d’énergie fédéral, la CREG, n’est qu’une formalité. Ces tarifs de réseau ont déjà doublé suite aux investissements d’Elia dans l’île d’énergie et les futures zones d’éoliennes.

Mercredi dernier, en Commission de l’Énergie de la Chambre, la ministre a été interrogée sur l’appel d’offres des nouveaux parcs d’éoliennes (toujours pas publié) et sur les coûts de l’île Princesse Elisabeth. Le député flamand Bert Wollants (N-VA) a interrogé Tinne Van der Straeten sur la véracité de l’explosion des coûts. Apparemment, le régulateur d’énergie CREG aurait envoyé la ministre en mai dernier (avant les élections fédérales) une alarmante lettre communiquant un souci sur les frais galopants.

La ministre Groen a refusé de répondre, indiquant que ses services étaient en train de finaliser le ‘tender’ pour les parcs d’éoliennes et l’appel d’offres pour certains travaux liés à l’île d’énergie.

Une affaire de gros sous

Cependant Elia ne communique pas sur le dossier. Le monopoliste belge est soucieux que toute communication porte un risque. Pourquoi ? Elia est côté en bourse. Par hasard, une autre nouvelle est apparue à la surface. La veille de la séance de la commission parlementaire, le milliardaire flamand Fernand Huts (Katoennatie), qui est un actionnaire important d’Elia, a fait connaître son souhait d’avoir un siège dans le conseil d’administration d’Elia. Elia est contrôlée par le holding des communes belges.

Elia est fort endetté, mais cela n’a jamais été un problème. Le financement de la partie des ‘regulated asset base’ était couvert pas le gouvernement fédéral qui autorise Elia de rembourser ces investissements avec les tarifs réseau dans la facture des consommateurs. Comme Elia a le monopole sur la transmission d’électricité en haute tension belge, il ne faut que la signature du régulateur fédéral CREG pour sanctionner cela.

En mettant le projet de prestige de la ministre dans ce ‘regulated asset base’ ou les installations et maintenance nécessaire pour offrir des services publics, on passait la facture aux consommateurs. Vu l’évolution du dossier, ceci se révèle une très mauvaise nouvelle pour le consommateur. La question se pose de savoir si le plan fédéral d’investissement d’Elia et de la ministre verte correspond toujours à ce qu’ils appellent une infrastructure essentielle.

Le poste ‘coûts des réseaux’ dans la facture des consommateurs doublera en 2025. Jusqu’à présent, cela fut « bagatellisé » car il ne s’agissait ‘que d’une soixantaine d’euros’ par ménage par an. Pour les consommateurs industriels, en revanche, ceci représenterait quelques millions d’euros par an.

Les partenaires impliqués dans la construction de l’île se cachent derrière une hausse des prix du cuivre, du ciment, du carburant de bateaux et des équipements nécessaires sur le marché international.

Van der Straeten dit d’avoir écrit au régulateur pour contrôler la gestion des coûts. Du côté de la CREG, la réponse est connue. Ils sont incapables de juger la transparence des prix des sociétés de bâtiment ou d’ingénierie.

Pour Elia, la déconfiture de l’île d’énergie n’est qu’un dossier parmi d’autres que la ministre verte a essayé de pousser avec l’aide de l’ancien patron d’Elia (qui a quitté Elia pour prendre la tête de Bpost sous la tutelle d’une autre ministre verte). Il y a la Boucle du Hainaut, le tracé de pylônes électriques très controversé Ventilus et plusieurs câbles dans la Mer du Nord. Ces câbles sont d’ailleurs très lucratifs pour Elia et ne figurent pas dans les services publics (la RAB), malgré le fait qu’un des câbles vient d’être annulé par les partenaires scandinaves. Tous ces projets aboutissent finalement sur la facture de consommateurs.

Lode Goukens

(Photo Belga : les autorités responsables sur le chantier de l’île Princesse Elisabeth, le 23 avril 2024)

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